De la région parisienne à la métropole francilienne
Intervention de Jean-Paul HUCHON
Président de la Région Île-de-France
Etats généraux du SDRIF
Parc Floral de Paris
29 novembre 2006
Seul le discours prononcé fait foi
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du CESR,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les Responsables d’Associations,
d’organisations syndicales, d’organismes consulaires,
d’entreprises, de professionnels d’aménagement, des services de
l’Etat,
Chère Mireille,
Mesdames et Messieurs,
Faire aboutir un chantier est toujours un moment fort dans la vie
d’un responsable politique. Que dire lorsqu’il s’agit d’un
projet collectif à l’échelle d’une région de plus de 11 millions
d’habitants !
Et bien, nous y sommes.
Sur scène et en image, nous avons vu l’ampleur de la mobilisation
collective autour du SDRIF. Et, avant de revenir sur la nouvelle donne
que porte cet avant-projet que l’exécutif présentera à
l’assemblée régionale, je tiens à vous remercier solennellement,
chaleureusement, personnellement d’y avoir pris toute votre part.
Certes, nous n’avons pas tous ici la même lecture des grandes
options finalement retenues. En revanche, nous partageons tous la
conviction qu’un aménagement ambitieux est vital pour l’avenir des
territoires franciliens et le devenir de l’Ile de France et celui des
régions du grand Bassin parisien.
Permettez-moi d’insister sur la « contribution des Franciliens »,
telle que restituée à l’instant même par certains de nos 75
« citoyens ». Le pari pour nous, mais surtout pour eux, était
inédit, risqué peut-être, en tout cas enrichissant pour tous. Bien
sûr, on est tenté d’en retenir ce qui nous conforte dans nos choix
les plus cruciaux : sur la lutte contre les inégalités ou encore
l’option de densification, sans oublier … les interrogations sur le
péage urbain ! Mais il y a aussi, conformément à l’engagement
pris et à ma philosophie sur la participation, ce que nous ne pouvons
retenir. Je pense spécifiquement à cette proposition en faveur de
« villes moyennes » loin du cœur parisien. J’en partage les
motivations mais je crois que c’est dans l’agglomération
parisienne, qui va bien au-delà de la seule petite couronne, qu’il
nous faut œuvrer pour du « vivable ». C’est tout le sens du
projet régional
L’ambition : une métropole francilienne solidaire, cohérente,
attractive
Ce projet, le voici.
Dans la lignée des schémas directeurs, portés par les grands
aménagements gaulliens, il est désormais possible de donner toute sa
mesure au polycentrisme. A savoir, faire des grands pôles urbains de
notre région une seule et même agglomération solidaire, cohérente,
attractive :
une agglomération maillée des (ex) villes nouvelles et de quelques
autres sites comme Roissy ou le plateau de Saclay, et d’un ensemble
de pôles de « fière banlieue » pourrait-on dire, et, ceci dans un
rapport à Paris totalement refondé ;
une agglomération structurée par des grands réseaux de
transports, qu’il nous appartient de rendre plus cohérente par
grands faisceaux, ceux-là même que je vous avais présentés lors du
forum de Villejuif. Une agglomération assise sur de grands territoires
forts de leur identité, de leurs atouts naturels, de leur potentiel de
développement au sein d’une des plus grandes métropoles
européennes.
une agglomération « delouvrieriste » mais adaptée aux
mutations énoncées par la Vice Présidente Mireille Ferri, en
résonance avec de nombreux débats locaux mais aussi planétaires. Et
j’en profite pour saluer une nouvelle fois l’énergie et la force
de conviction de Mireille Ferri pour faire émerger de ces débats des
ambitions partagées et indissociables :
-répondre aux défis sociaux, aux inégalités territoriales
-s’adapter aux nouvelles conditions énergétiques et climatiques
-préserver notre attractivité internationale
Il nous faut nous inscrire en tête des métropoles de demain. Non pas
copier Shanghai ! mais bien plutôt assurer le destin de la ville
européenne du XXI e siècle. Celle-là même que Paris et ses
faubourgs, puis ses banlieues sans oublier les villes nouvelles ont
incarnée historiquement de façon spectaculaire. Le défi qui nous est
posé aujourd’hui : comment cet ensemble - parfois malmené par des
choix d’urbanisme mais le plus souvent préservé par
l’intervention publique de la désagrégation que connaissent nombre
de métropoles américaines ou asiatiques- non seulement perdure, mais
se renforce et offre à chacun le sentiment d’un bien vivre
ensemble ?
La ville européenne, son « esprit des lieux », vous le savez
c’est une construction autour des espaces publics, un désir de
collectif et de mixité sociale ; c’est la proximité pour toutes
les activités qui rythment nos heures et nos jours : une question
d’équilibre ; c’est l’opportunité de mobilités durables qui
sont aujourd’hui un impératif.
Le projet : un parti pris ambitieux mais réaliste
Ces principes ont nourri les grands choix stratégiques que Mireille
Ferri vous a détaillés :
-offrir un logement à tous les Franciliens ; c’est l’objectif
central du schéma ; le plus difficile à tenir également ; le plus
exigeant ;
-doter la métropole d’équipements et de services de qualité ; la
qualité urbaine, voilà le maître mot porté par les ateliers et les
conférences citoyennes ;
-garantir le système régional des espaces ouverts ; par des
prescriptions, par un objectif de valorisation également ;
-accueillir et stimuler l’emploi et l’activité économique ;
rééquilibrages, réseaux, innovation, recherche en sont les leviers
clefs.
-promouvoir une nouvelle politique de transports ; par de nouvelles
infrastructures bien sûr mais aussi par une nouvelle organisation des
réseaux.
Ces principes et ces choix conduisent à la carte générale de
destination des territoires que voici. Carte, encore provisoire, j’y
reviendrai, qui précise les différents espaces d’urbanisation
préférentiels et conditionnels, les espaces de densification
préférentiels, les espaces verts et les continuités biologiques
ainsi que les principes de liaisons dont F. Dugény vous a énoncé les
grands traits.
Je ne vais pas entrer dans le détail de cette carte, particulièrement
complexe, à l’instar de notre droit de l’urbanisme. Et je rassure
tout un chacun en précisant qu’un guide de lecture en accompagnera
la bonne compréhension !
Je voudrais plutôt insister devant vous sur les trois
« fondamentaux » de cette carte prescriptive, sur laquelle les
services de la Région, de l’IAURIF, les élus régionaux ont
beaucoup travaillé de la façon la plus interactive avec les
collectivités, les socioprofessionnels, la société civile -je pense
notamment au CESR, à la chambre d’agriculture- les associations, les
aménageurs.
-elle privilégie une ville compacte, dense préservant son capital
naturel ; moins d’espaces urbanisables constateront certains, mais
mieux d’urbanité et plus de vert, au cœur même des villes ; sous
condition de rééquilibrage social et d’emploi ;
-elle s’appuie prioritairement sur un développement sans
précédent du système régional de transports collectifs depuis la
création des RER. A la différence des précédents schémas, nous
avons, responsabilité régionale oblige, proposé un phasage de
réalisation des nouvelles infrastructures. Mais ne nous dérobons
pas ! Il est insatisfaisant. Non par manque d’ambition mais faute de
moyens. C’est ce que le Gouvernement doit entendre pour la
préparation du contrat de projet. C’est ce que devrait comprendre un
prochain Gouvernement en 2007 quel qu’il soit. Le phasage sera ce que
les co-financeurs décideront. A cœur vaillant, à esprit réaliste,
à personne volontaire, rien d’impossible si c’est la clef de
l’avenir.
- elle fait droit à la subsidiarité entre règlement régional et
marge de manœuvre locale. Bien sûr cette carte, et le texte qui
l’accompagne, cadrent, encadrent, contraignent parfois l’urbanisme
local. C’est la fonction même du SDRIF ! Il ne faut pas le
craindre.
Ainsi le volume d’espaces urbanisables a été globalement réduit.
Pour tenir compte des servitudes touchant certains territoires
(inondations, site SEVESO…). Pour conditionner développement du
logement ou de l’activité à des dessertes en transports collectifs.
Pour créer des continuités écologiques.
Ainsi, des fronts urbains ont été délimités, car c’est la
condition pour préserver notre capacité agricole.
Enfin, pour la première fois, la carte du SDRIF n’est pas muette sur
les espaces urbains existants, elle précise concrètement où la
densification sera la plus à même de conjuguer à la fois
« plus » et « mieux ». Et certains PLU devront être révisés
en conséquence…
Mais, élu local comme beaucoup d’entre vous, je sais que rien ne
sert d’imposer, il faut surtout faire confiance, accompagner,
proposer. Comparé au SDRIF de 1994, les marges de manœuvre sont
conséquentes, que ce soit dans le rythme de l’urbanisation ou sa
délimitation précise, tout particulièrement au profit des communes
et des intercommunalités qui s’engagent dans des processus de
schéma de cohérence territoriale (SCOT) et de plan local de
l’habitat (PLH).
Ultime précision. Elle concerne les secteurs d’urbanisation
conditionnelle. Certains se trouvent en secteur d’Opération
d’Intérêt National (OIN). Je ne peux que regretter que l’Etat
n’ait pas choisi de faire confiance à la Région pour ces
territoires effectivement stratégiques. Au risque d’ailleurs de
donner crédit à ceux qui y voient un désengagement de l’Etat sur
d’autres territoires d’équilibre, notamment à l’Est et au Nord
de l’agglomération ou encore sur des villes nouvelles retournées au
droit commun –je pense à Evry-. L’avant-projet lui en spécifie
les conditions du développement, car le schéma doit concerner tous
les territoires. Ceci étant, pour les OIN, la Région accompagnera
bien entendu leur mise en œuvre, en lien avec l’Etat et plus encore
les collectivités partenaires, avec vigilance et en cohérence avec
les grands objectifs régionaux. D’autres réserves sont exprimées
sur le « porter à connaissance » de l’Etat notamment sur
certaines -pas toutes !- infrastructures routières. Il aurait été
hypocrite de les cacher. Maintenant le débat est ouvert comme le
Préfet de Région l’a exprimé avec ses mots en ouverture.
S’agissant des préoccupations qu’il a évoquées, je dis la chose
suivante : il faut être deux pour faire un accord et il faut le
vouloir à égalité. Pour ma part, vous le savez, j’y suis prêt. Je
ne peux imaginer que l’Etat s’y dérobe. Nous avons trop investi
tous ensemble : si notre copie finale est bonne, l’Etat ne pourra
que le constater. D’ici là, en effet, je vais m’efforcer de
rapprocher les points de vue. C’est possible. Peut-être pas sur
tout. Mais depuis quand un accord doit-il se faire aux conditions
d’un seul des partenaires. La même logique doit prévaloir pour le
contrat de projet.
La mise en œuvre : une responsabilité collective
La mise en œuvre ! Là réside un autre point essentiel qui
distinguera le SDRIF révisé de celui de 1994. Non que l’on
prétende pouvoir tout planifier ! Au contraire, nous savons d’ores
et déjà que des imprévus, de nouveaux projets, des changements
économiques ou sociétaux bousculeront le bel ordonnancement que
donnent à voir ces cartes. Sachant que, pour intégrer ces changements
et les initiatives qui en découlent, nous disposerons des outils pour
faire face. Le SDRIF est avant tout au service de ceux qui souhaitent
entreprendre. Une sorte « d’aménagement permanent » : un
concept plus astucieux que paradoxal pour le rocardien que je suis !
C’est pourquoi, les dispositifs de concertation et de gouvernance,
dont certains ont connu avec la révision du SDRIF un formidable coup
d’accélération prennent désormais un relief si important. Saluons
la conférence métropolitaine que je vois comme une des pièces de la
conférence territoriale régionale que nous vous proposons. Citons,
entre autres, puisqu’elles se sont tenues il ya peu, les Assises du
pôle Orly-Rungis. Soutenons le développement en Ile de France d’une
intercommunalité de projet au sein de l’agglomération comme dans
les grands territoires franciliens. Surtout lorsqu’il s’agit de
fabriquer de la solidarité territoriale, sans laquelle les métropoles
sont vouées à l’échec. Cette solidarité territoriale, nous
l’exprimerons aussi vis-à-vis des régions voisines du grand Bassin
parisien avec lesquelles le travail exemplaire entamé avec l’appui
des conseils économiques et sociaux régionaux se poursuit
fructueusement
Et j’en profite pour citer le géographe Marcel Roncayolo qui, dans
un numéro spécial de la revue Urbanisme consacré au SDRIF que vous
trouverez dans vos mallettes, explique, à propos de l’identité de
l’Ile de France que « s’il y a identité, elle est faite
d’évolutions, de mouvements, de croisements plutôt que de
reproduction à l’identique… tout en se remettant en tête qu’il
s’agit d’une région parisienne ! », d’une métropole
mondiale.
Une région parisienne qui se fait métropole francilienne. Et dont
l’exception réside aujourd’hui peut-être dans ce subtil alliage
d’un « retour au droit commun » (la Région établit avec
l’ensemble des collectivités responsables son projet) et d’outils
à la bonne échelle (aucune région ne dispose du SDRIF et du STIF, de
l’AEV, bientôt de l’EPFR, réunis). Est-ce un exemple à
généraliser ? je ne sais…Mais c’est un cadre
« fédérateur » apte à changer la donne et l’opportunité pour
les collectivités locales, peut-être plus qu’ailleurs, d’agir
dans ce cadre.
Pour conclure, l’avant-projet que nous avons présenté aujourd’hui
s’inspire très largement de vos contributions. Et avant qu’il ne
soit présenté à l’assemblée régionale, je souhaite que nous
procédions le plus loin possible aux ajustements nécessaires. Soyons
clairs, le document est perfectible, donc amendable. Plus encore, il
faut l’amender ! Afin que ce qui nous divise, parfois, ne mette pas
à mal l’essentiel : une région aux territoires solidaires et en
mouvement, une région qui est capable de passer avec tous ses
partenaires un compromis positif. Un mot dont nous pouvons être fier
car il est synonyme d’intelligence. Et, ce que je crois, c’est que
depuis que cette aventure du SDRIF a commencé, nous fabriquons
ensemble de l’intelligence. Comme le disait Jaurès, « aller à
l’idéal et comprendre le réel ».